Fini le temps où la divination était punie par la mort et où l’Église la considérait comme inspirée par Satan. L’esprit religieux grec, marqué par la notion du caractère divin de l’acte divinatoire, semble prévaloir aujourd’hui. Son présupposé tacite est la croyance que la divinité manifeste ses désirs et ses caprices et communique avec les hommes par les moyens les plus divers, parmi lesquels, sans doute, l’oracle occupe une place privilégiée. Sa base logique la plus générale est l’opposition entre le hasard et le destin.
C’est là que règne l’ancienne hypothèse de Chrysippe : les prophéties des diseurs de bonne aventure ne seraient pas vraies si le destin ne dominait pas le cosmos, c’est-à-dire l’ordre primordial des choses et des êtres. Les prophéties oraculaires sont basées sur l’idée que le monde a un ordre nécessaire ; la divination est possible parce que l’univers n’est pas présidé par le chaos, mais par l’ordre total, en vertu duquel chaque chose peut être considérée comme un signe des autres, en particulier comme une expression de la parole et de la volonté divine.
La notion de destin inhérente à la pratique divinatoire n’est pas le produit d’un déterminisme aveugle, conçu comme l’enchaînement de tous les événements dans un système fermé inaccessible à l’intelligence et à la volonté humaines.
Il est vrai que cette notion implique une certaine dose de fatalité, la reconnaissance que les événements sont prédéterminés par un pouvoir transcendant ; mais devant cette fatalité, l’homme n’est pas un être complètement sans défense et sans défense, dont les efforts pour modifier ce qui doit arriver sont toujours gaspillés.
Il ne s’agit donc pas d’un conte de fée aveugle et impénétrable, d’un fatum absolu, de quelque chose dit ou écrit de manière irrévocable et qui, par conséquent, doit se produire par la force, mais d’un destin qui peut être connu par les moyens de la divination, capable – par inspiration surnaturelle et donc, sans doute, hésitation ou ambiguïté – de retirer le voile de mystère qui couvre des choses lointaines ou futures.
La destinée est toujours la destinée humaine, la destinée de l’homme dans un ordre universel qu’il construit et modifie lui aussi d’une certaine manière.
Ce qui a été dit ou écrit dans le livre de l’éternité atteint sa plénitude précisément dans l’action des hommes ; en dehors de cela, on ne peut parler que de tendances, de pouvoirs virtuels, de conditions favorables ou défavorables pour l’un ou l’autre événement, d’opportunités et de menaces qui s’ouvrent aux individus et aux collectifs humains, et que ceux-ci peuvent pousser en leur faveur si leur jugement est juste et que leur conduite se fait en accord avec les fondements de la foi religieuse.
L’activité humaine constitue un maillon nécessaire et, dans une certaine mesure, décisif dans la chaîne cosmique de la fatalité. L’homme, 1) peut connaître le destin infaillible, la prédétermination divine, les desseins des divinités ; et 2) peut coopérer avec l’inévitable, et attendre des avantages collectifs et individuels de cette coopération.